Comment Gérer une Tête de Mule Comme Dennis Rodman ? (The Last Dance)

Dennis Rodman interviewé lors des finales 1996, une vraie tête de mule
SEATTLE – JUNE 14: Dennis Rodman #91 of the Chicago Bulls talks with the media before playing the Seattle SuperSonics in Game Five of the 1996 NBA Finals at Key Arena on June 14, 1996 in Seattle, Washington. The Sonics won 89-78. Copyright 1996 NBAE (Photo by Jeff Reinking/NBAE via Getty Images)

As-tu déjà eu à gérer des personnalités difficiles en tant que manager ? Une tête de mule, un anxieux, une diva, un colérique ? Voire un peu de tout ça à la fois ! 😉 C’est probable car c’est l’un des principaux problèmes rencontrés par les managers de proximité.

Alors, tu sais que ça peut être un véritable poison pour la cohésion de l’équipe. Qu’il y a un équilibre délicat à trouver. Celui entre être à l’écoute de ses besoins spécifiques et maintenir un sentiment d’équité chez ses coéquipiers.

C’est cette situation que doit gérer Phil Jackson, l’entraîneur historique des Chicago Bulls, dans l’épisode 3 de The Last Dance. De 1995 à 1998, il doit composer avec dans son effectif l’un des joueurs les plus talentueux et les plus imprévisibles de la NBA : Dennis Rodman.

Dans cet article, je te propose de voir ensemble comment les Bulls arrivent à obtenir le meilleur de Rodman. Sans pour autant menacer la cohésion de l’équipe. Tu n’auras peut-être pas un cas aussi extrême à gérer. Mais je parie que certaines ficelles pourront t’être précieuses pour encadrer un collaborateur incontrôlable !

C’est donc le moment de ressortir tes vieilles “Air Jordan”. De rentrer sur le parquet aux côtes de la mascotte de l’équipe. Et de profiter des temps morts pour prononcer les mots judicieusement choisis pour motiver ta tête de mule. Pour qu’elle mette son talent unique au service de l’équipe. Tu n’as sûrement jamais eu temps besoin de revêtir ta tenue de manager-coach ! 😉

Cet article fait partie de mon défi, trouver 10 séries TV qui parlent de management.

Sommaire ➡️

Un champion sortant sous dépendance d’une tête de mule

The Last Dance n’est pas une série classique, plutôt un docufiction qui retrace la saison 1997-1998 des Chicaco Bulls. La dernière de Michael Jordan et Phil Jackson, son entraîneur le plus célèbre, dans cette franchise. Avec de nombreux flashbacks sur les 15 années précédentes pour comprendre la genèse de cette apothéose.

Et dans les premiers épisodes, rien ne se passe comme prévu. L’équipe s’est promis de remporter le titre pour la 3ème fois d’affilée. Mais les débuts sont poussifs et Chicago n’a rien d’un champion en puissance !

Deux facteurs y contribuent :

  • une ambiance délétère entre l’équipe et le manager général des Bulls, Jerry Krause
  • la blessure « diplomatique » de Scottie Pippen, le lieutenant de Jordan, engagé dans un bras de fer avec sa direction pour obtenir un meilleur salaire

Michael Jordan a donc besoin de quelqu’un sur qui compter à ses côtés. Sur le papier, qui mieux que Dennis Rodman, l’un des meilleurs défenseurs et rebondeurs de la NBA, pour assumer ce rôle ?

Oui mais voilà, Rodman est ce que l’on appelle une personnalité difficile. Une vraie tête de mule, imprévisible, capable de se faire exclure pour de nombreux matchs suite à un coup de pied dans les parties intimes d’un caméraman… mais aussi sujet à des sautes de motivation, qui peuvent l’empêcher de se concentrer et de donner son meilleur sur le terrain.

Tout l’enjeu de l’épisode, pour Jackson et Jordan, est de réussir à obtenir le meilleur de ce joueur atypique au moment où ils en ont le plus besoin. Le mettre adroitement face ses responsabilités pour qu’il accepte de se tenir à carreau. Comment vont-ils s’y prendre ?

Cela passe par bien cerner les besoins de cette tête de mule attachante et introvertie. Puis y répondre dans les limites de l’équité collective.

Le joueur le plus controversé de la NBA

Un garçon instable et imprévisible

Lorsque l’assistant de Jerry Krause lui conseille de recruter Dennis Rodman au début de la saison 95-96, celui refuse d’abord catégoriquement. Il faut dire que le garçon traîne quelques casseroles ! Il a commencé sa carrière NBA au sein de l’équipe des Detroit Pistons, avec laquelle il gagnera 2 titres NBA. Mais aussi une réputation de Bad Boy !

A la décharge de Rodman, c’est le cas de l’ensemble de l’équipe de Détroit, qui joue dur sur l’homme pour compenser l’absence d’un talent à la hauteur des Larry Bird, Magic Johnson et Michal Jordan qu’ils affrontent à la fin des années 80. C’est là qu’il a appris à être un provocateur.

Mais Dennis a été chassé de Detroit après avoir été retrouvé par la police, un fusil à la main dans sa voiture. Une période “sans” qui l’a rendu complètement perdu, dépressif, et amené à envisager le pire. Mais il s’est heureusement endormi dans un parking sur ses pensées sombres.

Deux ans plus tard, il est devenu indésirable également du côté des San Antonio Spurs. Après avoir fréquenté Madonna, il a décidé « d’être lui-même ». De ne plus se conformer aux règles. Il revendique sa liberté dans sa façon déjantée de s’habiller… mais aussi de se présenter ou non à l’entraînement !

Face à une personnalité aussi imprévisible, le manager n’aura pas beaucoup d’autres choix que d’apprendre à improviser. S’il est lui-même adepte du contrôle, il lui faudra apprendre à lâcher du lest et à réagir à chaque changement de direction de son “poulain” !

Une tête de mule provocatrice

Ses frasques en dehors du terrain trouvent un prolongement sur le parquet. Il enchaîne les suspensions pour jeu vicieux et acquiert une solide réputation auprès du corps arbitral. Comme Rodman le reconnaît lui-même au début de l’épisode, il a fabriqué un “monstre”.

Partant de là, tu ne seras pas surpris, j’imagine, que le manager général des Bulls mette son véto ! Pourtant, son assistant finira par obtenir gain de Krause 😉 . Trois raisons à cela :

  • Dennis a un talent unique qui complèterait à merveille l’effectif aux côtés de Jordan et Pippen
  • l’autorité naturelle de ces 2 joueurs, déjà triple champions NBA à l’époque, devrait forcer le respect de Rodman
  • la présence du coach Phil Jackson, à même de canaliser cette bombe humaine

Néanmoins, il continuera à accumuler les suspensions chez le Bulls (3 lors de ses 2 premières saisons). Dont une qui fera dire à Michael Jordan :

« Il se fait exclure pour des conneries et me laisse livré à moi-même. Dennis sait qu’il a merdé. Il sait qu’il a gâché. »

Rodman peut donc avoir pour ses partenaires le côté insupportable d’une diva. Celle qui a le sens de la gagne, mais qui peut être impossible à vivre au quotidien. Car il est capable de vous faire faux-bond au moment où vous comptez le plus sur lui.

Comment une telle personnalité “borderline”, capable de franchir régulièrement la ligne rouge, a-t-elle pu s’imposer à ce point dans une grande équipe comme celle des Chicago Bulls ?

Un soldat de l’ombre indispensable

Dennis Rodman en extension pour marquer un panier
CHICAGO – MAY 17: Dennis Rodman #91 of the Chicago Bulls shoots a layup during a game played on May 17, 1998 at the United Center in Chicago, Illinois. Copyright 1998 NBAE (Photo by Nathaniel S. Butler/NBAE via Getty Images)

Un joueur agressif et borderline

La réponse nous est en grande partie donnée à l’occasion d’une interview télévisée de Rodman :

Dennis : “Si je suis une si mauvaise personne ou juste un désagrément pour l’équipe, pourquoi je suis encore là ?”

Journaliste : “Parce que vous choppez les rebonds comme un diable et défendez comme personne. Si vous étiez moins bon, on ne vous laisserait pas faire !”

Dennis : “Absolument. Ils peuvent me remplacer, mais personne n’apportera ce petit extra. Sans moi, gagneraient-ils le championnat ? Je ne pense pas (…) Ils ne peuvent vraiment pas faire ce que je fais. Je suis le seul gars qui fait la sale besogne, subissant des violences de la part des autres joueurs.”

La tête de mule a su se rendre rapidement indispensable au sein de cette équipe. En endossant un rôle ingrat dont personne ne voulait jusque-là. Un peu à la manière d’une “sentinelle” dans le foot moderne. Mais ce dévouement défensif, parfois proche du sacrifice, ne peut pas tout expliquer.

Dennis Rodman est tout simplement aussi l’un des meilleurs “rebondeurs” de l’histoire de la NBA. Il n’est pourtant pas l’un des plus grands ou des plus imposants, mais il compense par des qualités athlétiques hors-norme, sa force de travail, son intelligence et surtout sa combativité.

Cette dernière, il l’a forgée jeune, au rythme d’un parcours de vie éprouvant. Élevé par sa seule mère, celle-ci le met à la rue à 18 ans pour le forcer à faire quelque chose de sa vie. Il sera un moment hébergé par la famille d’un de ses amis. Comme Rodman le reconnait lui-même, on se demande pourquoi et comment il échappe à la drogue…

Cette prédisposition à la combativité est ensuite mise en valeur dans sa première équipe des Pistons. Comme nous l’avons vu, il lui y est demandé de faire déjouer l’adversaire en le harcelant. Souvent à la limite de la correction. Rodman développera une grande affinité pour cette “sale besogne”.

L’un des meilleurs joueurs défensifs de la NBA et référence en la matière, Gary Payton, en témoigne dans l’épisode :

“Dennis était une sangsue. Il pouvait éteindre qui il voulait. C’est l’un de ces joueurs qui changent le jeu par leur seule présence.”

Un défenseur d’élite

Mais Dennis Rodman, c’est aussi un joueur rare. A sa manière, une sorte de génie des parquets. C’est lors de sa 3ème année en NBA que Dennis réalise qu’il est fait pour la défense et le rebond. Il décide alors de perfectionner ce talent, parfois à 3h du matin avec des amis.

Il devient capable d’étudier les angles et la trajectoire des balles. En fonction de chaque adversaire ! Et de se placer en conséquence.

Michael Jordan le reconnait volontiers :

“C’est l’un des types les plus intelligents avec lesquels j’ai joué. Il comprenait les stratégies défensives, avec toutes les rotations. Il n’avait aucune limite en termes de ce qu’il faisait.”

Rodman est un joueur défensif, donc moins en vue que les dunkers ou les tireurs à 3 points. Mais c’est un joueur extrêmement complet capable de tirer l’équipe vers le haut.

Il n’est qu’à donner la parole à son coach et à ses coéquipiers pour réaliser son impact. Phil Jackson affirme que “c’est Dennis qui a tenu l’équipe lorsque Scottie Pippen n’était pas là” (au début de la saison 97-98). Louant pour l’occasion sa capacité à se concentrer pour que les Bulls soient aussi compétitifs qu’auparavant.

Son coéquipier Steve Kerr, qui deviendra par la suite le coach à succès des Golden State Warriors dans les années 2010, ne dit pas autre chose :

“C’était un joueur défensif dominant. Ce qu’il a amené était exactement ce dont nous avions besoin

Enfin, Scottie Pippen n’hésite pas à lui attribuer “une grande part du succès” des Bulls depuis son arrivée.

On comprend ainsi mieux pourquoi son entraîneur et ses coéquipiers sont prêts à lui passer ses frasques. Mais le problème, c’est que ce potentiel exceptionnel, Rodman ne l’exprime que lorsqu’il est motivé. Or c’est loin d’être tout le temps le cas…

Comment remotiver une tête de mule ?

Ce constat est en effet tiré par tout le monde, des journalistes à son coach, qui ne peut que constater qu’il est parfois ‘”à la traîne” en matière d’enthousiasme. Ou encore ses coéquipiers, dont Jordan qui concède que Dennis doit “garder un certain niveau de concentration”.

Qui mieux que Dennis lui même pour évoquer ce problème :

“C’est encore une de ses périodes où je m’ennuie à mourir. Je dois trouver une solution pour mettre une nouvelle bûche au feu.”

Et quand il ne reconnait pas franchement les faits, il invoque un autre argument pour justifier de ne pas être à 100%, d’avoir du mal à venir jouer : la “cible dans le dos” que les arbitres de NBA lui auraient collé.

Un ressenti qui rappelle là-aussi une diva, qui a classiquement une haute opinion d’elle-même et une piètre opinion des institutions. Qu’elle considère ne pas assez la reconnaître. Rodman fait un petit complexe de persécution.

Quelles sont alors les options à la disposition d’un manager pour contrer cette démotivation de son joueur star ?

Lui confier davantage de responsabilités

Dans l’épisode 3 de The Last Dance, les Bulls confient plus de responsabilité à Dennis en l’absence prolongée de Pippen. Michael Jordan explique clairement qu’il avait alors besoin que Rodman soit plus responsable, de pouvoir (vraiment) compter sur lui.

Ce qui n’est pas vraiment le cas en début de saison. Mais suite à une nouvelle exclusion, Dennis prend conscience qu’il a planté ses coéquipiers. Et qu’il a déçu Michael Jordan, pour qui il a une véritable admiration. A sa manière, il lui présentera ce qui ressemble le plus à des excuses pour lui. Dans la série, il déclare :

“Quand Scottie est parti, je pense que Michael avait confiance en moi pour savoir que je serais là pour lui. Je n’allais pas le laisser tomber, ni l’équipe, ni la ville. Non.”

Mission accomplie : il se rachète une conduite, permettant enfin aux Bulls d’enchaîner les victoires.

Le seul souci de cette tactique, c’est qu’elle prend fin avec le retour aux affaires de Pippen. Quand le lieutenant attitré de Jordan décide de mettre fin au bras de fer avec sa direction, l’équipe dispose à nouveau des “3 Amis”. Mais que dans ce trio, Dennis Rodman considère qu’il est la pièce rapportée. Qu’on a moins besoin de lui.

Il s’autorise du coup à décrocher. En fait, il a pris sur lui durant toutes ces semaines pour être un “citoyen modèle”. Mais éprouve le besoin de compenser lorsque les circonstances ne justifient plus (selon lui) son irréprochabilité. Il demande alors à pouvoir prendre quelques jours de vacances en plein milieu de saison !

Phil Jackson et Michael Jordan font alors face à un dilemme devant cette demande de traitement spécial. Et ils décident d’utiliser la seconde option pour gérer une personnalité difficile.

Faire preuve d’écoute et de compréhension

Jackson décide d’être compréhensif avec son joueur. Pourtant, ce n’était pas sans risque comme tu le verras dans cette courte scène de la série :

Pour la petite histoire, il faudra que Jordan aille le traîner hors de sa chambre d’hôtel à Las Vegas pour qu’il retrouve le chemin des parquets ! 🙂

Steve Kerr en témoigne :

“Dennis était bizarre, mais je pense que ce qui a fait que ça a marché, c’est la compréhension de Phil et Michael que pour obtenir le meilleur de lui sur le court, il fallait lui lâcher la bride. Et ils lui ont beaucoup lâché la bride !”

C’est évidemment une solution à double-tranchant et nous aborderons ensuite le risque de manque d’équité entre les joueurs. Mais en réalité, pour réussir à obtenir le meilleur d’une tête de mule comme Rodman, il faut effectivement favoriser le dialogue (en tête-à-tête) et faire preuve de bon sens. Puis gérer les éventuelles dissensions provoquées !

Car la plupart du temps, derrière les frasques et les sautes d’humeur, il y a quelqu’un qui cherche à attirer l’attention. Pas spécialement pour faire parler de lui, mais pour être pris en considération. Être reconnu. Voire être aimé.

Une personne indispensable et incontrôlable n’est pas toujours réellement persuadée d’être supérieure aux autres. Au contraire, cela masque parfois un réel manque de confiance en soi.

Il serait donc contre-productif pour le manager de s’énerver. Au contraire, il lui faut prendre de la hauteur et faire parler son sens de la négociation. Commencer par écouter et observer attentivement le non-verbal. Faire appel à son intuition et à son intelligence émotionnelle (écouter ses émotions et comprendre celle de son interlocuteur). L’humour peut être une option.

Ensuite, la critique est possible (et souhaitable !), mais elle doit être habillement amenée. En s’adressant exclusivement au comportement fautif. Et en faisant bien comprendre à son collaborateur qu’on ne remet en cause ni sa personne, ni ses compétences professionnelles.

Se positionner en tant que manager-coach

Ta tête de mule demande probablement en fait à ce que tu reconnaisses davantage sa valeur. Dans un prolongement logique de la tactique précédente, tu peux adopter avec profit la posture d’un coach :

  • ne pas juger ton collaborateur (ce qui évitera de le braquer)
  • l’aider à trouver des solutions par lui-même (ce qui le valorisera)
  • l’aiguiller pour qu’il sorte de cette spirale (ce qui permettra de la gérer « comme un autre »)

En optant pour cette approche, tu désarmes le conflit. Et tu responsabilises ton collaborateur. Mais cette fois dans la recherche de solutions à son propre problème.

Tolérer les différences, jusqu’à quel point ?

Dennis Rodman en interview pour le docufiction The Last Dance
Dennis Rodman dans The Last Dance

Dennis Rodman met en avant comme moteur personnel son profond désir de liberté :

“Je veux juste faire quelque chose qui me fasse me sentir libre, qui me permette de faire tout ce que je veux faire”

Et nous avons vu que Phil Jackson avait opté pour la compréhension de ses besoins spécifiques, pour tolérer ses différences et lui accorder de l’espace. Mais quelles sont les limites à cette approche ?

Le rappel à la règle

Le premier point important, c’est que le collaborateur soit bien conscient qu’il bénéficie d’un traitement spécial par rapport aux règles du groupe. Et que ce ne sera pas toujours le cas !

Et de ce point de vue, le message est reçu 5 sur 5 par Dennis :

“Ils ont été très bons avec moi, toute l’organisation, en me laissant libre. Car c’est ce que je fais depuis des années, arriver en retard à l’entraînement, car moins je suis présent et plus je suis productif. Je suis trop impatient pour ça. Ils respectent ça depuis le début, mais là je suis allé trop loin, donc…”

Est-ce que cela signifie que tout le monde doit renoncer à un changement de comportement de la tête de mule ? Non, mais partant du principe qu’une personnalité incontrôlable fera toujours ce qu’elle veut, l’idée est de l’amener à changer d’elle-même (d’où l’intérêt du coaching). Michael Jordan l’a bien compris, lorsqu’il déclare :

“ Seul lui peut changer. Nous, on ne peut pas changer Dennis.”

Et même si cela ne s’avère pas possible à court terme, ça ne signifie pas pour autant que le manager ferme les yeux ! Au contraire, il est critique de rappeler les règles à son collaborateur incontrôlable. Une diva a besoin de reconnaissance, mais aussi d’être recadrée.

Le manager doit très vite relever (toujours en tête-à-tête) les hors-jeux de comportement. Dans l’espoir de réussir à les éviter à moyen terme. Quitte à définir des limites spécifiques à ce collaborateur, qui doit avoir conscience du cadre dans lequel il évolue.

Phil Jackson explique que lors de sa première rencontre avec Rodman, il a dû lui demander de se lever, de retirer son chapeau et de lui serrer la main. Il lui a ainsi dès le début signifié qu’il existait des règles. Ce que n’a peut-être pas fait l’un de ses premiers coachs à Détroit, Chuck Daly, qui a intimé à l’un de ses adjoints de laisser Rodman tranquille, au prétexte qu’on ne pouvait pas “mettre une selle à un pur-sang”.

Éviter le sentiment d’injustice

Michael Jordan et Phil Jackson aux prises avec les frassques de leur tête de mule
MIAMI – APRIL 2: Michael Jordan #23 and Phil Jackson of the Chicago Bulls look on against the Miami Heat on April 2, 1996 at Miami Arena in Miami, Florida. Copyright 1996 NBAE (Photo by Andrew D. Bernstein/NBAE via Getty Images)

C’est bien connu : la liberté des uns peut s’arrêter là où commence celle des autres. Toute la difficulté dans la gestion d’une personnalité difficile comme Dennis consiste pour le manager à ne pas se mettre l’équipe à dos.

A éviter qu’un traitement spécial pour l’un ne soit source de démotivation pour les autres. Car un manque d’équité peut vite entraîner un sentiment d’injustice. Pour cela, il faut être attentif au moindre retour qui peut provenir des collègues de la « star » ou même de ton propre management. Phil Jackson en discutait ainsi toujours avec Michael Jordan.

Il faut reconnaître que de ce point de vue-là, la situation semblait exceptionnellement saine au sein des Bulls ! Les coéquipiers de Rodman semblaient faire preuve de la même compréhension que Jackson. Malgré ses frasques, Dennis était ainsi toujours pardonné par les autres joueurs. Il faut dire qu’à la différence d’une diva pour le coup, il semble avoir le sens collectif :

“Personne ne peut dire quoique ce soit de négatif à propos de moi en tant que coéquipier.”

Il est probable que ce qui a permis l’acceptation de ce traitement spécial par l’ensemble de l’équipe, outre la façon dont Phil Jackson l’a sûrement expliqué aux uns et aux autres, c’est la perspective d’un objectif commun. Auquel chacun reconnaissait que Rodman était indispensable, comme Steve Kerr :

“Tout le monde comprenait l’impact de Dennis sur le groupe. Et nous comprenions qu’il avait des besoins différents dans sa vie personnelle que nous.”

En tant que manager, il faut donc s’assurer qu’une tête de mule contribue bien à un objectif collectif, que son apport indéniable bénéficiera également à ses pairs.

Peux-tu toi aussi réussir l’intégration d’une tête de mule dans ton équipe ?

A travers cet épisode de The Last Dance, nous avons donc vu que :

  • un garçon instable, imprévisible et incontrôlable comme Dennis peut se rendre indispensable dans une équipe de très haut niveau
  • il avait pour cela accepté d’endosser un rôle ingrat dont personne ne voulait. Mais aussi démontré des capacités (de défenseur) exceptionnelles
  • son problème numéro un était un manque de constance dans sa motivation. Mais que son manager avait trouvé des leviers pour cela : responsabilisation, compréhension et coaching
  • le risque à prévenir est un sentiment d’injustice et de manque d’équité de ses collègues devant le “traitement spécial” accordé à cette personnalité difficile. Et que cela passe par un rappel rapide à la règle

Enfin parfois, même avec les meilleurs, il faut savoir dire “stop” lorsque l’écart de conduite est injustifiable. Ou que la personnalité est trop clivante et  menace l’équilibre du groupe. Dans le monde du sport, les exemples ne manquent pas au niveau des sélections nationales (on peut penser à Eric Cantona ou Karim Benzema).

C’est plus rare au niveau des clubs, qui doivent composer avec l’investissement souvent important consenti sur leur joueur star. En entreprise également, il est fréquent de reculer devant des décisions difficiles en minimisant l’impact négatif tout en surestimant les qualités d’une diva…

Et toi, peux-tu appliquer ces recettes dans ton environnement ? Même s’il ne s’agit pas d’un club de sport ? J’en suis persuadé ! Même si quelques transpositions sont probablement nécessaires, les leçons résumées ci-dessus ne sont pas spécifiques aux sportifs de haut niveau.

Bien sûr, ce sera plus compliqué si la tête de mule à qui tu as affaire ne compense pas par une performance exceptionnelle. Et une contribution marquante à un objectif collectif. Mais il s’agit alors plutôt d’un manque de courage managérial de l’entreprise qui laisse cette situation perdurer !

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Et comme toujours, tes retours d’expérience ou questions seront les bienvenus dans les commentaires tout en bas ! 🙂 

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12 commentaires

  • Nicolas

    Merci pour cet article très très parlant pour le fan de sport que je suis. Je connaissais ce Basketteur (plus pour ses frasques extra sportif c’est vrai) mais moi qui aime le foot ton article m’a fait penser au cas de Ronaldinho… Un génie brésilien mais qui (comme bcp de sud-américains) vivaient pour la fête, le spectacle.. et qui quand il est arrivé à Paris avait bcp trop de distractions à sa dispo (aux yeux de l’entraineur). Et pourtant ce joueur n’était jamais aussi bon qu’après avoir fait la fête toute la nuit. Je pense que ce qui est dur pour un « manager » du coup c’est surtout de faire passer au reste de l’équipe que certains peuvent avoir des traitements… particuliers ! 😉
  • Alexandre Willocquet

    Merci Nicolas. Et oui, tout à fait, la difficulté pour l’entraîneur est d’être suffisamment compréhensif pour mettre sa « star » dans les meilleures conditions, sans pour autant compromettre la cohésion de l’équipe. Savant équilibre !
  • Carine

    Waouh, un article pour mon cher mari, fan inconditionnel de la grande équipe des Bulls. Merci pour ce plongeon dans le passé…
  • Alexandre Willocquet

    Je le laisse lui faire découvrir alors, Carine 😉 Je recommande vraiment the Last Dance pour les fans, on découvre des facettes inattendues des protagonistes !
  • Anthony SATIZELLE

    Bonjour Alexandre,

    suite à cette lecture, j’ai très envie de regarder l’épisode dont tu parles.
    Je suis plutôt spécialiste des sports de combats et notamment dans le judo où ce sont les autres qui nous permettent de progresser. Et on retrouve quelques fois des combattants qui ne veulent pas occuper le rôle de « sparring » ou plutôt « Uke ».
    J’ai fait immédiatement le lien en pensant aux camarades d’entrainement qui acceptent ou pardonnent ce type de comportement en fonction de ce que la « diva » apporte aux autres.
    Ton article est très bien trouvé et super inspirant.
    Merci, et à bientôt

  • Margaux

    Je ne m’y connais pas du tout en basket, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ton article car tu racontes l’histoire de ce joueur de manière très captivante ! 😍 Tout en y insérant des leçons à tirer en terme de leadership 💪. J’aime beaucoup ce format, c’est facile et agréable à lire, du coup on se rend même pas compte qu’on est en train d’apprendre quelque chose ! Bravo 😀
  • Isabelle

    Effectivement pas facile de gérer les cas avec beaucoup d’énergie. Prendre le temps, les écouter, leur donner des responsabilités ça fonctionne très bien. J’utilise les mêmes astuces.
  • Alexandre Willocquet

    Merci pour ton commentaire, Anthony. Le judo, ça me rappelle des vieux souvenirs (j’étais allé jusqu’à la ceinture verte) ! C’est effectivement un bon exemple de comportement de « diva » qui risque de laisser des traces dans le fameux « collectif ».
  • Alexandre Willocquet

    Tout à fait Isabelle. Ça emprunte beaucoup au coaching. En la matière comme en beaucoup d’autres, « la clé, c’est le temps » 😉
  • Gaëtan Arhan

    C’est vraiment pas facile de gérer des têtes brulées ^^
    Je suis un ancien militaire et c’est vrai que de donner des responsabilité est une méthode qui fonctionne bien !
    Merci beaucoup pour cet article intéressant et détaillé 😉
  • Alexandre Willocquet

    Merci pour ton commentaire et ton témoignage, Gaëtan ! D’autant plus parlant qu’à l’Armée, chaque prise de risque est, j’imagine, soigneusement sous-pesée compte tenu des conséquences possibles !

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