Dire la Vérité : Toujours une Bonne Idée, Tom Kirkman ? (Designated Survivor)

Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Est-ce ton crédo ?
Ou bien considères-tu plutôt que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire ?
Que mentir par omission, ce n’est pas vraiment mentir. Et que taire ce qui pourrait blesser l’autre, c’est en fait faire preuve de générosité ?
La question du rapport à la vérité, pour un leader, ce n’est pas une mince affaire. Tôt ou tard, il s’y confrontera. Et ses choix pourront avoir des conséquences lourdes, à la fois à court terme et à long terme.
En vérité, je te le dis : sur la durée, l’honnêteté et même l’intégrité paient toujours. Tu dois en être conscient et persuadé. Car même si ce n’est pas le choix le plus facile, c’est le seul qui te permettra de dormir sur tes deux oreilles !
Sans craindre que quelqu’un ne trahisse tes petits secrets. Par vengeance ou par ambition. Et même si dans un premier temps, cela pourra te valoir des moments difficiles.
C’est l’un des premiers enseignements de Tom Kirkman, fraîchement désigné Président des États-Unis d’Amérique dans la série Designated Survivor. Je te propose de suivre son exemple et de découvrir, ensemble, quelles sont tes options face à une question embarrassante.
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Un problème de légitimité

Au début de cette série, Tom Kirkman est encore un obscur Secrétaire d’État au Logement (Secretary of Housing and Urban Development). Mais il se retrouve rapidement propulsé sur le devant de la scène lorsque le Président, le Gouvernement et l’ensemble du Congrès périssent lors d’une attaque terroriste sur le Capitole.
Tom n’était pas présent sur les lieux au moment de l’explosion, car il était “survivant désigné”, le seul membre du Gouvernement à l’abri en prévision de circonstances aussi funestes. Et c’est donc lui qui est appelé à prendre la succession du défunt Président Richmond.
Tu imagines bien qu’être nommé Président dans ces circonstances n’est pas sans poser quelques problèmes de légitimité… Tom (joué par Kiefer Sutherland) n’a jamais été élu, et il était loin d’occuper l’une des fonctions les plus éminentes de l’Administration.
La tentation du bluff
Une crise sur fond de guerre civile
L’un des premiers à s’engouffrer dans la brèche (dès l’épisode 2 de la saison 1) est le Gouverneur du Michigan, James Royce. Son État est celui dans lequel la population musulmane est la plus importante. Et suite à l’attentat, il demande à la police de la ville de Dearborn de procéder à des arrestations en masse. Sans trop se soucier de la manière.
Évidemment, la situation dégénère. Et un jeune musulman décède suite aux violences policières…
Lorsque Tom ordonne à Royce de rappeler ses troupes et de relâcher les personnes détenues sans motif valable, les deux hommes entrent en franche opposition. Le Gouverneur considère qu’il est de sa seule responsabilité de garantir la sécurité des citoyens de son état.
Il ignore purement et simplement l’ordre du Président et lui raccroche au nez. Il refuse par la suite de prendre ses appels au motif qu’il a une crise à gérer.
Une négociation bien préparée
Kirkman doit passer par l’intermédiaire d’une amie du Gouverneur pour réussir à nouveau à lui parler. Cette fois préparé à la confrontation, il use de plusieurs techniques de persuasion :
- l’argument d’autorité, en rappelant à Royce que la Constitution des États-Unis rend le Président responsable de la protection de tous les citoyens américains
- la menace d’une obstruction à une investigation fédérale, en informant le Gouverneur que parmi les personnes qu’il détient en toute illégalité, se trouvent 3 agents de la Sécurité Intérieure infiltrés de longue date
- la mise sous pression, en demandant au Gouverneur de lui faire part de sa réponse immédiatement
Désarçonné, Royce finit par céder, rappeler sa police et libérer les détenus.
On peut noter au passage que lors de ces deux échanges « musclés » avec Royce, Tom ne manifeste à aucun moment de manque de confiance en soi. Alors que les circonstances auraient pu légitimement le faire douter, il a simplement confiance en sa capacité à affronter la situation.
Les dangers du bluff
Une fois le téléphone raccroché, Aaron Shore, son directeur de cabinet, demande à Kirkman s’il doit prévenir la Sécurité Intérieure de la libération de ses hommes. Tom Kirkman répond que ce n’est pas nécessaire, car il n’y avait pas d’agent infiltrés à Dearborn. En réalité, il a bluffé pour forcer la main au Gouverneur Royce.
Tu peux retrouver les deux scènes dans cette vidéo :
Que penser de cette histoire ? Tu peux considérer que la fin justifie les moyens, et que Kirkman a solutionné une crise sérieuse sans causer de réel tort à son opposant. Après tout, bluffer est-il vraiment mentir ?
Mais tu peux aussi penser que Kirkman a joué un jeu dangereux. Certes, il a obtenu gain de cause à court terme. Mais que penser de sa relation avec le Gouverneur Royce et de sa crédibilité si celui-ci découvre la vérité ?
Et à Washington DC plus qu’ailleurs, il vaut mieux considérer que le pire est certain ! Kirkman n’en est d’ailleurs pas dupe, qui annonce immédiatement à ses conseillers qu’il a “posé un pansement pour arrêter l’hémorragie pour le moment”.
Et en effet, dès l’épisode 4 de la saison 1, le Gouverneur Royce repart en guerre. Il a entretemps appris que Kirkman aurait dû être débarqué du Gouvernement le lendemain de l’attentat du Capitole (j’y viens). Il a alors beau jeu de retourner l’argument d’autorité en déclarant :
“Non seulement le Michigan est attaqué par des radicaux, mais notre démocratie même est menacée par un homme qui n’a aucun droit de se proclamer Président. Cet homme n’a-t-il pas honte ? (…) Ce Président frauduleux tient en otage la plus haute administration de notre pays !”
Kirkman n’aura cette fois pas d’autre choix que de mettre Royce aux arrêts pour rébellion contre l’état fédéral. S’aliénant au passage une bonne partie des autres Gouverneurs. La victoire est amère.
La vengeance, un plat qui se mange froid
Quelle leçon tirer de cette histoire ? A court terme, Kirkman a trouvé une solution en bluffant. Il en avait à vrai dire bien besoin et cela lui a au moins permis de gagner du temps. Mais tôt ou tard, on est généralement rattrapé par ses mensonges. Et plus on a de pouvoir, plus la probabilité de cette assertion et sa rapidité augmentent !
Certes, ici, rien ne garantit que le Gouverneur Royce ait décelé la supercherie. Mais son amie étant présente lorsque le Président Kirkman a dévoilé son coup de bluff à ses conseillers, je miserais bien une petite pièce sur un coup de poignard dorsal 😉
Quoi qu’il en soit, Royce n’a cédé que sous la menace. Il était prévisible que son amertume l’amène à récidiver. A long terme, tu dois considérer que la vérité finira par se faire jour. Et être prêt à justifier ton attitude, voire reconnaître tes torts et, surtout, à disposer d’une solution plus pérenne.
Le bluff est un jeu dangereux. Certes, tu n’y réponds pas directement à une question par un mensonge. Mais lorsque ton adversaire voit clair dans ton jeu, tu dois avoir d’autres atouts dans ta manche.
A défaut, il aura beau jeu de t’envoyer avec assurance : « Tu bluffes, Martoni ! ». Tu auras reconnu la référence à cette scène d’anthologie de La Cité de la Peur 😉
Les risques de l’exposition médiatique
Une interview anodine
Dans l’épisode 3 de la saison 1, Kirkman accepte de donner sa première interview à une chaîne de télévision américaine. Avant d’entrer dans l’arène, il échange avec ses plus proches conseillers, Aaron Shore et Emily Rhodes, sur la posture à adopter. Et conclut en disant qu’il va opter pour être sincère.
L’interview se déroule aussi bien que possible. Tom reconnait entre autres que sa position de Ministre du Logement ne le prédestinait pas à occuper le bureau ovale. Et avoue qu’il n’en avait jamais eu l’ambition.
Mais la journaliste le prend au dépourvu avec une technique digne de l’inspecteur Colombo : la fameuse dernière question ! Elle l’informe qu’elle vient d’apprendre de source sûre que le Président Richmond avait démis Tom de ses fonctions le matin précédant l’attentat.
Elle lui demande s’il peut confirmer et enchaine en demandant si Tom comprendrait alors que plusieurs personnes considèrent qu’il n’a aucune légitimité à être Président des États-Unis.
Aaron Shore prétexte une urgence pour s’entretenir avec Tom et Emily. Cette dernière conseille de dire la vérité, qui a de toutes façons déjà fuité. Aaron considère, lui, que la perception générale sera que Tom a effectivement été viré et que sa Présidence s’achèvera alors avant même d’avoir commencé.
Tom Kirkman reprend l’interview et décide de dire la vérité. Il n’a pas été viré, mais on lui a proposé un autre poste, d’Ambassadeur, en dehors du Gouvernement. Et il n’avait pas encore donné sa réponse.
Il est toutefois obligé de reconnaître qu’il n’avait pas sollicité cette mutation… Et qu’il serait correct de considérer que le Président Richmond ne voulait plus de lui dans son Gouvernement.
Que récolte-t-on à dire la vérité (à Washington) ?
Cette fois-ci, Tom a décidé de dire toute la vérité, étant fidèle à ses valeurs. Une position honorable, mais qui le met à risque ! Car tu t’en doutes, ses opposants ne manquent pas de sauter sur l’occasion pour contester à nouveau sa légitimité. A commencer par le Gouverneur Royce.
Cet aveu aura aussi une autre conséquence immédiate : Tyler Richmond, le fils du Président assassiné, refusera à Tom à la dernière minute de faire un discours lors des obsèques de son père. Il se sent utilisé pour légitimer la position de Tom et se braque en réaction contre lui. Il refuse de le considérer comme président et l’appelle ostensiblement “M. Kirkman”.
A la place de Tom, il fera intervenir la Présidente de la Chambre des Représentants du Congrès américain, Kimble Hookstraten. Qui brigue sans trop s’en cacher la succession de Tom. Découvrant cette manœuvre opportuniste de sa rivale, celui-ci confie à son épouse : “Voilà ce qu’on récolte pour être honnête à Washington…”.
En effet, comme Aaron le fait remarquer à Emily, on peut se demander si dire la vérité lors de l’interview était une bonne idée… Au final, Tom a :
- relancé les doutes sur sa légitimité dans l’opinion, y compris pour le fils de son prédécesseur
- donné un argument au Gouverneur du Michigan pour refuser son autorité
- dû céder la place à sa rivale pour faire l’éloge du défunt Président Richmond
Tu peux te dire qu’en niant qu’il était sur la sellette, il se serait évité bien des ennuis. D’autant plus qu’a priori, aucune personne encore en vie n’aurait pu confirmer la rumeur parvenue jusqu’à la journaliste. Et de fait, quand tu es un leader, la tentation de prendre des raccourcis avec la vérité est fréquente…
Être fidèle à ses valeurs et à ses engagements
Mais plusieurs arguments donnent selon moi complètement raison à Tom Kirkman :
- c’est un homme de valeurs (qui détonne en cela à Washington)
- il faut toujours considérer le pire, et les conséquences de la révélation ultérieure d’un mensonge avéré seraient bien plus désastreuses
- sa transparence va en fait lui valoir le respect et la sympathie d’une bonne partie de l’opinion
Revenons quelques instants sur le premier point. Je pense sincèrement que certaines personnes s’accommodent bien mieux de petits arrangements avec la vérité que d’autres. Tom Kirkman n’en fait pas partie.
Mentir pour son seul intérêt personnel aurait mis Tom en porte-à-faux avec sa conscience morale. Ce qui l’aurait probablement bien plus déstabilisé que les doutes de quelques-uns ou l’opportunisme d’autres.
L’histoire voudra que les conséquences de la petite bombe de l’interview soient de courte durée. En particulier, Tom se réhabilitera vite aux yeux de Tyler Richmond.
Apprenant que celui-ci était en froid avec son père depuis plusieurs années, il lui prouvera que l’ancien Président avait toujours estimé et soutenu son fils. Allant jusqu’à assister secrètement à son concerto de violon pour ne pas attirer la lumière à lui. Et à en parler avec fierté pendant plus d’une heure lors d’un conseil des ministres.
Tom Kirkman ne fait pas cela par calcul, mais en tant que père. Car il a été ému par l’idée que la dernière image que Tyler avait de son propre père était celle d’un conflit. Il a été vrai dans son attitude. Et si les bonnes grâces de Tyler ne lui seront désormais d’aucune utilité, elles valent tout de même beaucoup pour le nouveau Président.
Bluffer ou dire la vérité, faut-il choisir ?
La comparaison entre ces deux scènes et deux attitudes différentes de Tom Kirkman permet de tirer un certain nombre de conclusions.
Premièrement, il faut toujours distinguer conséquences à court terme et conséquences à moyen/long terme. Souvent, on paiera au prix fort le fait de s’acheter une tranquillité pour quelques instants.
Mais bien sûr, dans certaines circonstances, comme lors d’une crise, le temps gagné à court terme peut être précieux et justifier (en partie) les moyens.
Deuxièmement, la nature des avantages tirés du mensonge revêt une importance capitale lorsque celui-ci est découvert.
Dans le cas du coup de bluff de Kirkman envers Royce, l’avantage obtenu par le Président est la fin des violences policières contre la communauté musulmane. Qui ira le lui reprocher sérieusement ? A contrario, personne ne pardonnera un mensonge qui vise à de l’enrichissement personnel par exemple (à part, peut-être, à Levallois-Perret 😉 ).
Troisièmement, la révélation d’un mensonge aura forcément des conséquences sur ta relation avec celui à qui tu mens. De même qu’avouer une vérité dérangeante te vaudra, à moyen terme, le respect des autres.
En bluffant, Tom a dégradé sa relation avec Royce et devra finir par le mettre aux arrêts, ce qui aura des conséquences sur ses relations avec les autres Gouverneurs.
A contrario, en reconnaissant que le Président Richmond ne voulait plus de lui dans son Gouvernement, Tom lui a été fidèle. Ainsi qu’en partageant l’anecdote de sa présence au concerto de son fils. Ce faisant, Tom a finalement renforcé sa relation avec Tyler, qui le quittera sur un “Merci… M. Le Président !”.
Devrais-tu dire la vérité même sans viser la Présidence ?
En tant que manager, je l’ai déjà dit, tu seras souvent confronté à des vérités difficiles. Un petit mensonge te semblera alors plus simple. Résiste autant que possible à cet instinct ! Qui peut d’ailleurs être dans le faux, car comme le disait Mark Twain :
« Si vous dites la vérité, vous n’avez besoin de vous souvenir de rien »
A la vérité, je ne vois que deux circonstances qui peuvent intrinsèquement justifier le mensonge d’un leader :
- quand il est tenu à la confidentialité sur une information
- lorsque ce mensonge vise à protéger celui à qui il est adressé ou un groupe, et non celui qui le formule
Cela ne signifie pas que c’est un choix facile et qu’il n’aura pas de conséquences. Mais dans tous les autres cas, il sera bien difficile de justifier a posteriori une décision de mentir.
Sois honnête avec toi-même
J’espère que cet article t’aura été utile. Si tu ne connais pas la série Designated Survivor, je te la recommande chaudement. Pour un fan de la première heure comme moi de 24h chrono, il y a quelque chose de jubilatoire à voir enfin Jack Bauer occuper le bureau ovale 😉
Pour moi, cette série est un savant mélange de 24h Chrono et de House of Cards. Où l’action le dispute à la diplomatie plus ou moins retorse. J’ai découvert cette série sur la recommandation de mon ami Jean, dans le cadre de mon défi : trouver 10 séries TV qui parlent de management.
Mille mercis pour cette belle découverte ! Un peu moins pour les heures de sommeil perdues à regarder les 21 épisodes de la saison 1 en une grosse dizaine de jours ! 😀
Et toi, as-tu déjà eu à faire face à un choix cornélien entre mensonge et vérité ? Comment t’en es-tu sorti et quels enseignements peux-tu partager ? Fais m’en part dans les commentaires sous cet article pour alimenter la discussion sur ce sujet.
Et la prochaine fois que tu seras tenté de t’en sortir par un mensonge, pense à Tom Kirkman : sur le long terme, vaut-il mieux pour toi bluffer, ou être sincère ?
Comme d’habitude, sens-toi libre de parler de cet article sur tes réseaux sociaux, tu peux utiliser les petites icônes spécialement prévues à cet effet !
Je laisse le mot de la fin à un autre personnage de Designated Survivor, le porte parole du Gouvernement Seth Wright :
“Peut-être qu’il est simplement plus facile de mentir au monde que d’être honnête avec soi-même”


2 commentaires
Caroline
Alexandre Willocquet